Cinéma Cinéma

Cinéma Cinéma

Un beau jour pour une raison somme toute anodine, le ton change, il y a de l'agressivité de sa part à lui. Elle lui répond dans son style punché et direct... en attaquant sa personnalité. Il lui répond... pas trop gentiment.

Bref silence.

Puis, il lui écrit un message intitulé « Scénario inachevé »

- Début du scénario envoyé par l'homme -

Ce scénario ressemble beaucoup à l' « histoire » de leur relation épistolaire. Cela l'inquiète un peu, elle y voit une sorte d'intrusion dans sa vie privée. Elle a un peu peur d'être mêlée même en imagination à des choses qui concernent cet homme. Elle ne le connaît pas. Elle ne l'aime pas tellement. Non pas qu'il lui fasse peur, mais elle le perçoit comme arrogant, manquant tout à fait d'empathie, et puis, elle n'a pas besoin de lui. Son environnement lui suffit. À peine l'intrigue-t-elle un peu. Pour cette raison elle ne lui envoie pas encore le point d'exclamation qui (une convention qu'il lui a proposé) elle le sait, lui interdira de lui écrire d'autres lettres.

À partir de là, lui seul lui écrit, il lui raconte des choses qui ne font pas du tout partie de ses propres préoccupations. Elle lit à peine. Mais garde ses messages, sans y penser. Dans ses messages une sorte de leitmotiv, une sorte de discussion récurrente qu'il tient avec des amis à lui. Ils argumentent sur... Ce ne sont pas des messages qu'il lui destine à elle, plutôt une sorte de réflexion intérieure... de comptes rendus, mais il les lui poste régulièrement.

Elle comprend tout de même qu'il a l'air de l'aimer bien, sans doute à cause de sa franchise, de son caractère assez emporté, direct. Il sait qu'elle est intelligente... il aime le genre d'éducation qu'elle a reçue, elle est un peu frondeuse mais a le respect de ce qu'elle perçoit (peut-être à cause de l'âge) comme une sorte d'ascendant.... Il doit l'imaginer dans le style de ces jeunes filles qui s'habillent de façon classique, dans les bleus marine... peut-être jupes plissées, cheveux lisses sombres, à peine aux épaules, mais elle peut être tout à fait différente, elle lui a dit qu'elle a les yeux noisettes... tout cela n'a pas d'importance, il saisit (en partie) sa personnalité, et il développe une certaine affection pour elle. Il aime aussi qu'elle le remette à sa place. Il sait qu'il provoque, et sa façon à elle de réagir est bien. Ni mesquine, ni trop exagérée, si, peut-être un peu... elle dramatise un peu. Mais il aime cette amplification. N'est-ce pas la le terreau du sublime... la dramatisation.

Un long week-end gris, ennuyeux, esseulée, un peu triste, désœuvrée, elle passe distraitement à travers les messages, et là, elle commence à voir cet homme sous un éclairage plus sombre mais aussi plus attachant. Elle n'est sûre de rien. Elle sait qu'il est assez intelligent pour créer de toute pièce un personnage. Qu'il a peut-être décidé de se livrer sur elle à un petit jeu de séduction détournée, soit par désœuvrement soit par une sorte d'esprit malsain, peut-être même est-il sincère? Elle se questionne. Elle est très lucide et sur ses gardes.

Dès lors, elle est impatiente de lire son courrier électronique. Elle délaisse un peu ses camarades qui le lui reprochent. Elle s'enferme un peu dans son monde intérieur. Et se met à rechercher des lectures qui concernent ce dont elle croit qu'il parle... comme si, lui, savait des choses... Elle veut vérifier ou corroborer ce qu'il dit.

Elle sombre dans une sorte d'obsession...
Un beau jour, ayant obtenu son numéro de téléphone, elle décide de l'appeler...
juste pour entendre sa voix.

Deux coups.

Oui allô....
Qui est à l'appareil...

Elle reste figée, ne dit rien...

Qui est à l'appareil...
Clic.

Elle est tout a fait troublée par cette voix qui semblait sortir d'outre-tombe. Presque gutturale, métallique et douce à la fois. En tout cas, envoûtante.
Oui, allô, qui est à l'appareil, qui est à l'appareil, les mots résonnent...
Elle avait bien déjà imaginé l'environnement de cet homme... mais là, elle a clairement l'impression qu'il est d'un autre siècle. Il y a eu court-circuit dans l'écoulement du temps c'est certain.

Notes :

Pour ne pas tomber dans le piège de l'écran ordinateur... les messages seront traités en voix off (surtout pas en collage sur le visage qui lit un écran) faire preuve d'imagination...

Le focus sera les changements dramatiques dans la personnalité de la jeune femme. Joie de vivre, un certain égoïsme naturel, candeur, vers le tourment intérieur, désintéressement des choses qui faisaient son bonheur; obsession; remise en question des valeurs; dérive de la raison.

Fond : réalité (perçue selon nos sens) et réalité profonde, invisible pour les yeux (l'essentiel est invisible pour les yeux... St-Ex.) perçue uniquement par ceux qui ont bénéficié d' (ou subi) une faille dans l'armure que constitue la raison (instrument de fermeture/par opposition à l'intuition qui est une porte ouverte).

Point saillant (d'un point de vue visuel et dramatique) : Dans l'un des messages, il dit quelque chose d'un peu nébuleux.. (rien d'anormal chez lui) mais en lisant entre les lignes elle croit comprendre qu'il sait des choses sur elle... qu'elle ne lui a jamais dites. Moment de panique.... référence à l'aspect visuel de sa chambre. Elle retourne chez elle en catastrophe... monte quatre à quatre les escaliers, ouvre la fenêtre avec force, brise un carreau, scrute les fenêtres d'en face... de l'autre côté de la place. Il a fait allusion au cadre qui fait face à la fenêtre... posé là tout récemment. Calcul des angles... d'une seule fenêtre en face, on aurait pu voir ce cadre. Elle hésite... vérifie la serrure... peut-être quelqu'un est-il entré... Elle ira faire enquête en face le lendemain, il est déjà tard... encore fébrile, elle éteint la lumière.

Elle finit par avoir accès à la pièce qui fait face à sa chambre... petit hôtel où l'on loue à la semaine... pas tout à fait sordide mais pas très rassurant. Elle est « gonflée ». Passe discrètement la réception... monte les étages, repère la pièce (elle avait calculé le nombre de fenêtres de l'extérieur). Anxiété et détermination à la fois. La porte n'est pas fermée à clef.

Elle pousse, entre...
On entrevoit de dos un homme assis... qui fait face à la fenêtre... il ne
bouge pas.
Elle est très tendue...
Elle dit : Monsieur
Il ne bouge pas...
- Je sais qui vous êtes...
Il ne bouge pas...

Elle s'avance lentement, les yeux fixés sur sa nuque...

Le plancher craque...
Il dormait, il se réveille...
Il se retourne vers elle avec un sourire niais. Clairement la personne est handicapée. Elle est confuse... s'excuse... et s'enfuit de la chambre...
(Les obsessions intérieures masquent et dénaturent le réel... plus rien
n'est réaliste)
Sort en trombe...

Dehors, elle éclate de rire... un rire qui dépasse le rire.

Elle a du mal à composer avec le quotidien. Mais son esprit cartésien solide la force malgré elle à décider de mettre fin à cette « relation ». Sinon elle craint que sa dérive l'entraîne... elle sait le danger. Mais son monde n'est plus le même. Il est plus simple et compliqué à la fois. Les enjeux du quotidien, études, carrières... sont devenus dérisoires. D'autres, mal définis, nébuleux, mais majeurs, elle le ressent, hantent son esprit.

- Fin du scénario envoyé par l'homme -

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