Il y a quelques jours, tard
(les parcomètres tournent toute la nuit dans ma ville)
je gare mon V8 dans un endroit chaud, pour une raison oubliée.
Je fouille dans mes poches à la recherche de monnaie.
Une jeune femme s'approche, silencieuse
et me demande doucement si je voulais quelques pièces,
d'un regard cassé.
Cassé par les misères de l'Est.
Cassé par trop d'années à faire des petits boulots pas nets,
à s'abîmer l'âme à force de corps à corps avec le quotidien ouvrier.
Elle me tend un dollar trébuchant...
Je cherche dans mes poches un billet...
pour compenser.
Elle glisse la pièce dans ma main,
se détourne sans attendre,
et j'entends encore les aiguilles
de ses talons frapper
le trottoir au rythme tic tac
du parcomètre.
Decrescendo.
Il me reste son regard bleu.
Bleu Paris Texas.
Bleu la mer, la quille qui fend l'eau éternelle, les étoiles en fond,
sur le sable désert.
Le reflet des affiches néon sur ses cuissardes
noires plastique, vinyle, ou cuir peut-être, le reflet.
Le reflet de son regard.
Je la verrais mieux sur un voilier,
une coupe vermeil posée entre les doigts,
endormie au soleil chaud,
étendue sur le pont silencieux,
accablée de paix et bercée de réalité immobile.
Il me reste son regard bleu.
J'aurai toujours des fleurs pour elle,
et du champagne vermeil.