Je n'avais pas d'amis aujourd'hui.
J'ai dû aller déjeuner tout seul.
Pour cacher mon manque de popularité,
j'ai choisi un restaurant que je ne connaissais pas.
- Fumeur ou non-fumeur monsieur?
- Fumeur, mademoiselle, mais si nous sommes obligés de fumer
apportez-moi une cigarette, je n'en ai pas.
Je préfère la section fumeur, c'est en général la plus agréable.
On me donne une table près des grandes vitres.
Je m'assois face à la rue, pour faire comme à Paris
où les chaises des terrasses sont alignées devant le spectacle de la vie.
C'est moins excitant ici. L'élégance par moins 5 degrés, c'est un exercice difficile,
l'excentricité aussi.
Un coup d'oeil à gauche, paf, un face à face avec moi-même,
en pleine lumière du jour.
Les miroirs sont sans pitié.
S'ils réfléchissaient un peu plus à l'impact que peut avoir leur réflexion,
ils réfléchiraient un peu moins.
Sur le coup je ne me suis pas plu.
Ce n'est pas parce qu'il s'agit de soi qu'il faut être complaisant.
À force de m'observer (de biais) mon opinion changeait.
Elle empirait.
Rendu au café, je me suis posé la question ultime :
Franchement accepterais-tu, si tu avais le choix, de vivre avec toi-même?
La réponse est tombée, lapidaire : Non.
Ça fait mal.
Mais je me trouve drôle, c'est déjà ça.